En 705, un établissement payant ouvre ses portes à Xi’an, marquant une étape majeure dans l’histoire de l’accueil marchand. L’hospitalité monastique, alors dominante en Europe, n’autorisait pas la recherche de profit, une règle longtemps contournée par des pratiques discrètes.
Des marchands italiens du XVe siècle imposent un modèle différent : en contrepartie d’un service, la rémunération devient la norme. Cette transition s’accompagne d’innovations commerciales et architecturales. Les siècles suivants verront la naissance d’enseignes, puis de chaînes, bouleversant durablement le paysage hôtelier mondial.
Des origines antiques aux premières auberges : comment l’hospitalité a façonné nos sociétés
L’hospitalité ne date pas d’hier. Si l’on remonte aux grandes civilisations de l’Antiquité, le souci d’accueillir l’étranger s’impose comme une évidence. À Rome, les maisons privées, les fameuses domus, servent volontiers de halte aux voyageurs. En Grèce, la xenia régit l’art de recevoir, liant hôtes et invités par des codes stricts et un sens aigu du respect mutuel. Sur les routes qui relient Mésopotamie et Asie mineure, on voit éclore des lieux d’accueil parfois rudimentaires : relais, tables d’hôtes, premières auberges. Déjà, l’idée de servant logement auberge se dessine, bien en amont de l’hôtel moderne.
Le Moyen Âge s’empare à son tour de cet héritage, mais sous une forme plus structurée. L’Europe, animée par l’essor des pèlerinages, voit naître un réseau dense d’hospices et de maisons meublées qui jalonnent les routes vers Compostelle ou le Mont-Saint-Michel. L’accueil relève alors souvent des communautés religieuses, qui ouvrent leurs portes aux marcheurs et voyageurs. La France joue un rôle moteur, multipliant les auberges sur ses grands axes et ses foires. Peu à peu, le secteur de l’hôtellerie prend forme.
L’aubergiste devient une figure clé : il veille sur la sécurité des marchands, des soldats de passage, des clercs en route vers Rome ou Avignon. Le confort reste spartiate, mais la dimension sociale de l’accueil s’affirme. Puis vient le moment décisif du passage à la prestation tarifée. Dès le XVe siècle, l’Europe commence à voir émerger des établissements où l’on paie pour un toit et un repas. Ce mouvement, timide au départ, annonce la naissance d’une hôtellerie structurée, prête à accompagner les bouleversements de la société urbaine et commerciale.
Quels créateurs ont marqué l’histoire des premiers hôtels ? Portraits et anecdotes
Impossible d’évoquer l’histoire des hôtels sans s’arrêter sur quelques pionniers qui ont transformé la profession. En France, le XXe siècle fait émerger deux noms qui vont durablement influencer l’hôtellerie mondiale : Paul Dubrule et Gérard Pélisson. Ces deux ingénieurs, à l’esprit affûté, lancent à Lille le premier Novotel en 1967. Le concept est simple mais révolutionnaire : créer un hôtel pensé pour les voyageurs en mouvement, où le confort est standardisé et le service efficace. Leur inspiration vient des motels américains ; leur ambition, elle, n’a rien de timide.
Novotel impose rapidement ses codes. La marque s’étend, fédère, devient la pierre angulaire d’un groupe appelé à jouer dans la cour des grands : Accor. Paul Dubrule et Gérard Pélisson comprennent vite que l’union fait la force, et leur stratégie de croissance repose sur le rachat d’enseignes variées, y compris des établissements de luxe comme MGallery ou Sofitel. Cette politique d’expansion change la donne : la France s’impose sur la scène internationale, portée par des entrepreneurs capables de marier savoir-faire local et logique industrielle.
Le dynamisme ne s’arrête pas là. D’autres profils viennent enrichir ce paysage, à l’image de Jean-Christophe Jourde. À la tête de Raffles et Swissôtel, il mise sur une stratégie qui conjugue respect des traditions et goût de l’innovation. L’intégration de Movenpick Hotels & Resorts en est un exemple frappant : une marque suisse réputée, désormais adossée à une galaxie hôtelière en pleine mutation. À chaque étape, l’histoire des créateurs des premiers hôtels témoigne d’une capacité à anticiper les besoins, à investir, à faire preuve d’audace et de résilience.
L’essor des grandes chaînes hôtelières : un tournant décisif pour l’industrie mondiale
La montée en puissance des grandes chaînes hôtelières va totalement redistribuer les cartes dans le secteur. Dès les années 1950, des géants comme Marriott International ou Hilton changent la donne. Ils imposent des standards, font de leur marque une signature mondiale, et installent une expérience homogène de Paris à Tokyo. Désormais, on sait d’avance ce qu’on trouvera en poussant la porte d’un Marriott ou d’un Hilton, où que l’on se trouve.
Accor, né de l’énergie de Dubrule et Pélisson, s’impose rapidement comme un poids lourd du secteur. Leur méthode ? Une croissance soutenue par l’intégration de multiples enseignes, Sofitel, Pullman, Ibis, Novotel, mais aussi une écoute attentive des voyageurs et une réelle capacité d’adaptation. Le lancement du programme Accor Live Limitless illustre ce nouvel état d’esprit : fidéliser, récompenser, entretenir le lien avec une clientèle cosmopolite et exigeante.
Le modèle économique évolue lui aussi. Désormais, la tendance asset light domine : les groupes privilégient la gestion ou la franchise, plutôt que la propriété directe des murs. Les joint-ventures, comme celle nouée avec Ennismore, ouvrent la voie à des concepts où le design, l’expérience et la flexibilité font la différence. L’hôtellerie mondiale cherche à surprendre, à s’adapter, à renouveler ses codes.
Les chiffres donnent la mesure de cette transformation. Marriott International dépasse 1,5 million de chambres dans le monde, Hilton franchit la barre des 800 000. Accor, fort d’un portefeuille de 40 marques, accélère encore en Amérique du Nord, en Asie et sur les marchés émergents. La pandémie de covid-19 a mis à l’épreuve la solidité de ces groupes, mais elle a aussi révélé leur capacité à se réinventer, à proposer des solutions innovantes, à rester connectés aux attentes mouvantes des voyageurs d’aujourd’hui.
Le secteur hôtelier s’est réinventé en permanence, passant de la chaleur des auberges médiévales à la rigueur des chaînes globales. Reste à savoir qui, demain, saura écrire le prochain chapitre et inventer l’hospitalité du futur.