Entre 2010 et 2019, le nombre de voyageurs internationaux a augmenté de près de 60 %, franchissant le cap des 1,5 milliard de personnes par an selon l’Organisation mondiale du tourisme. Paradoxalement, certains pays les plus visités enregistrent un appauvrissement de leurs populations locales, tandis que d’autres voient leur économie stimulée à court terme, mais fragilisée sur le long terme.
Des villes instaurant des quotas de visiteurs aux littoraux bétonnés pour répondre à la demande, les réponses divergent et les conséquences s’accumulent, entre essor économique, inégalités sociales et tensions environnementales.
Le tourisme mondial : un phénomène aux multiples facettes
Le tourisme international ne se contente plus de dessiner la carte des vacances : il façonne désormais l’économie, la société et même la géopolitique. En 2019, l’Organisation mondiale du tourisme recensait plus de 1,5 milliard de voyageurs internationaux. Cette envolée s’explique par la mondialisation, l’ouverture progressive des frontières, l’essor des classes moyennes et la révolution des transports, des avions toujours plus accessibles aux trains à grande vitesse. L’Europe, fidèle à sa réputation, attire toujours autant : elle attendait 747 millions de touristes internationaux en 2024. Imbattable sur le podium, la France multiplie les records en franchissant la barre symbolique des 100 millions de visiteurs étrangers.
L’industrie du tourisme, loin d’être monolithique, se décline en mille visages : plages bondées de la Méditerranée, trésors culturels et musées parisiens, congrès d’affaires dans les métropoles, ou encore randonnées et séjours nature dans les grands espaces. L’appétit pour le tourisme alternatif, le tourisme vert ou même le tourisme post-migratoire en dit long sur la diversité des attentes et la transformation en profondeur du secteur.
Voici quelques illustrations concrètes de ces mutations récentes :
- La Chine est devenue le plus gros émetteur mondial de dépenses touristiques, bouleversant la donne pour de nombreuses destinations.
- Les grands rendez-vous planétaires, Jeux olympiques, Coupes du monde, carnavals, redessinent l’attractivité de villes entières, parfois en quelques mois seulement.
- L’irruption des plateformes numériques, de Booking à Airbnb, a révolutionné l’accès aux hébergements et redistribué les flux touristiques.
Mais cette croissance effrénée ne va pas sans heurts. Le tourisme mondial doit composer avec des risques sanitaires, sécuritaires ou naturels capables de couper net les flux. Véritable miroir grossissant des dynamiques sociales, économiques et environnementales, le secteur regorge d’opportunités, mais aussi de défis à relever, parfois dans l’urgence.
Quels sont les effets du tourisme sur l’économie et les sociétés ?
Impossible de passer à côté : le secteur tourisme pèse lourd dans la balance économique mondiale. Il représente près de 10 % du PIB mondial estimé en 2025, générant 2,1 trillions de dollars de recettes. Ce moteur de développement économique se révèle particulièrement puissant dans les pays d’accueil. Les créations d’emplois se comptent par millions : on attend 371 millions de postes mondiaux d’ici 2025, du personnel hôtelier aux guides touristiques, en passant par les transports ou le bâtiment. Les retombées sont parfois visibles : rénovation d’infrastructures, montée en compétences, dynamisation du commerce local.
Les flux touristiques irriguent l’économie locale et stimulent des secteurs proches : agriculture, artisanat, services. Les grands événements accélèrent la modernisation des équipements et boostent la visibilité internationale de certains territoires. Et il arrive que le tourisme devienne un allié dans la protection du patrimoine culturel, encourageant la transmission de savoir-faire, le maintien de traditions et la valorisation d’identités locales.
Mais à y regarder de plus près, le tableau se nuance. La montée en puissance du tourisme de masse s’accompagne souvent de gentrification : loyers qui grimpent, pression accrue sur le foncier, vie quotidienne plus chère pour les habitants. Beaucoup d’emplois créés restent précaires ou saisonniers, loin de garantir l’émancipation économique. Dans certains quartiers, la marchandisation des cultures finit par éroder l’authenticité et alimente l’essor de la tourismophobie, ce rejet de plus en plus visible des visiteurs par les riverains.
Pour mieux saisir ce double visage de l’impact touristique, voici deux lignes de force marquantes :
- Le tourisme mondial stimule l’économie, mais il alimente aussi des déséquilibres sociaux profonds.
- Les territoires profitent parfois d’opportunités inédites, mais doivent gérer des mutations rapides qui peuvent s’avérer brutales.
Entre promesses et dérives : les enjeux éthiques et environnementaux du tourisme
Le tourisme international se trouve à la croisée des chemins : il encourage la protection des patrimoines naturels et culturels, mais en accélère parfois la disparition. Certes, les recettes du secteur appuient la conservation des réserves naturelles et le financement des grands sites, mais la pression touristique laisse souvent des traces indélébiles. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, le secteur représente 8 à 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la majeure partie provenant des mobilités carbonées, avions et voitures en tête.
La surconsommation de ressources naturelles s’intensifie dans les endroits les plus fréquentés : pénuries d’eau, consommation énergétique démesurée, érosion des sols. Les récifs coralliens, les littoraux ou les espaces fragiles paient le prix fort de la surfréquentation et de l’urbanisation à marche forcée. Certains territoires n’arrivent plus à faire face à la pollution plastique ou à la gestion des déchets générés par l’afflux de touristes, mettant en péril l’équilibre des écosystèmes.
Les questions éthiques deviennent centrales. Comment éviter que la fréquentation ne dénature l’authenticité des sites ? Face à la généralisation du greenwashing, difficile parfois de démêler la communication des actes concrets. Les habitants, souvent relégués au rôle de spectateurs, voient leurs ressources détournées au profit d’intérêts extérieurs, ce qui tend à exacerber les tensions sociales.
Pour illustrer ces défis majeurs, trois tendances se dégagent :
- Dégradation des sites naturels et culturels : la surfréquentation et la transformation des paysages laissent des cicatrices parfois irréversibles.
- Pollution et pression sur les ressources : l’eau, l’énergie et la gestion des déchets deviennent des points de tension majeurs.
- Biodiversité fragilisée : la multiplication des infrastructures et la modification des habitats menacent de nombreuses espèces.
Tourisme durable : des exemples inspirants pour voyager autrement
Derrière le concept de tourisme durable, on trouve aujourd’hui des expériences concrètes et inspirantes, loin des simples promesses marketing. Au Costa Rica, pionnier de l’écotourisme, près d’un tiers du territoire bénéficie d’une protection stricte. Le label « Costa Rica no artificial ingredients » distingue hébergements et activités engagés dans la sauvegarde de la biodiversité, encourageant les visiteurs à privilégier les circuits courts et à s’immerger dans la nature des parcs nationaux.
En France, les labels de tourisme durable gagnent du terrain. La Charte européenne du tourisme durable met en avant des espaces protégés comme le parc national des Écrins ou la réserve naturelle de Camargue, où chaque visite cherche l’équilibre entre accueil du public, préservation de la faune et sensibilisation à l’environnement. L’île de Ré, de son côté, mise sur la mobilité douce et lutte contre la bétonisation, réduisant ainsi l’empreinte carbone des séjours.
Sur le terrain, opérateurs et collectivités s’investissent dans la montée en compétences : l’ADEME accompagne les démarches d’évaluation environnementale, tandis que le Fonds Tourisme Durable soutient les projets novateurs. Le slow tourisme s’impose comme une alternative crédible au tourisme de masse : privilégier le train, allonger la durée du séjour, créer du lien avec les habitants. Cette approche séduit de plus en plus de voyageurs en quête de sens et de sobriété.
Voici quelques pistes concrètes portées par ces démarches :
- Écotourisme, tourisme équitable, slow tourisme : autant de modèles qui cherchent à conjuguer découverte, sobriété et retombées positives pour les territoires.
- Labels et certifications : véritables boussoles pour aiguiller professionnels et voyageurs désireux d’agir autrement.
Le tourisme, dans toute sa complexité, invite chacun à interroger sa façon de voyager. À l’heure où les frontières s’ouvrent, la question se pose : comment continuer à découvrir la planète sans la fragiliser ? Un équilibre précaire, mais porteur d’une promesse à réinventer.


